Chardonne, N.R.F., 1er juillet 1961, p. 165-166.
"… Je venais de lire pour la seconde fois l'oeuvre entière de Proust. […] Après les premiers tomes, la critique est facile, quand apparaissent davantage une certaine débilité dans la profusion, une psychologie trop soufflée qui s'épuise dans ses rebondissements, jamais aride pourtant ; ces phrases trop ramifiées, avec des détails merveilleux. Relisant mes notes, ce long travail m'a paru vain, comme tout ce que j'ai lu sur ce sujet ; je l'ai relégué dans mon tiroir à broutilles.
On dirait que tout échappe à Proust, indéfiniment rattrapé, répété, analysé dans un halètement poignant ; mais jamais écrivain n'a parlé si près de nous comme à l'oreille avec un accent si tendre. Cette œuvre ingénue, si librement humaine, a ému longtemps un monde de lecteurs ; je crois que l'on y reviendra toujours avec le même étonnement, et toujours, dans la pénombre de ce baroque édifice, on sera saisi par le chant plaintif de ces orgues sourdes."