Biély, lettre à Blok citée par Nivat (postface de Petersbourg) [A. Blok et A. Biély, Correspondance. Moscou, 1940] :
"Dans deux semaines j’irai hurler toutes les injures devant les portes de la riche racaille bourgeoise : 'faites l’aumône, au nom du Christ, à Andréi Biély. Je hurlerai avec orgueil, car je suis écrivain de par la grâce de Dieu et la société me doit au moins du pain et un vêtement'."
Biély, Petersbourg, trad. Nivat-Catteau chap. IV :
"Derrière la poupe brillait un sillage vert qui, en heurtant le quai, prenait des reflets d’ambre. Il repartait de la rive, et mourait sur le sillage suivant, qui courait à sa rencontre. Et cet entrecroisement de vert et d’ambre semblait foisonner de serpents annelés. Une barque pénétra dans ce foisonnement. Les serpents se disloquèrent en filets de diamants. Ces filets entrelacés à une cannetille* d’argent dansèrent sur la surface des eaux en dessinant des étoiles. L’agitation des eaux s’apaisa ; les étoiles s’éteignirent. Sur la rive se leva un bâtiment vert aux colonnes blanches, comme un fragment vivant de la Renaissance."
* TLFi : Fil de métal très fin et tortillé, utilisé en broderie, pour la composition de fleurs artificielles
Biély, Petersbourg, trad. Nivat-Catteau chap. VI :
"La rue roulait à leur rencontre des masses noires d’hommes : des milliers de chapeaux melons déferlaient ; déferlaient aussi les hauts-de-forme luisants ; ici et là moutonnait la tache blanche d’une plume d’autruche.
De partout surgissaient des nez.
Nez en bec d’aigle, nez querelleurs de coq, nez camards de canard, nez en trompette de poulette, etc., etc. Nez verdâtres, nez verts, nez rouges. Déferlement absurde, hâtif, énorme."
Un texte par jour, ou presque, proposé par Michel PHILIPPON (littérature, philosophie, arts, etc.).