Nietzsche, Le Gai savoir (traduction H. Albert, 1901) § 370 :
La volonté d'éterniser a [...] besoin d'une interprétation double. Elle peut provenir d'une part de la reconnaissance et de l'amour : - un art qui a cette origine sera toujours un art d'apothéose, dithyrambique peut-être avec Rubens, divinement moqueur avec Hafiz, clair et bienveillant avec Goethe, répandant sur toutes choses un rayon homérique de lumière et de gloire (dans ce cas je parle d'art apollinien). Mais elle peut être aussi cette volonté tyrannique d'un être qui souffre cruellement, qui lutte et qui est torturé, d'un être qui voudrait donner à ce qui lui est le plus personnel, le plus particulier, le plus proche, donner à la véritable idiosyncrasie de sa souffrance, le cachet d'une loi et d'une contrainte obligatoires, et qui se venge en quelque sorte de toutes choses en leur imprimant en caractères de feu, son image, l'image de sa torture. Ce dernier cas est le pessimisme romantique dans sa forme la plus expressive, soit comme philosophie schopenhauerienne de la volonté, soit comme musique wagnérienne.
Der Wille zum Verewigen bedarf [...] einer zwiefachen Interpretation. Er kann einmal aus Dankbarkeit und Liebe kommen: — eine Kunst dieses Ursprungs wird immer eine Apotheosenkunst sein, dithyrambisch vielleicht mit Rubens, selig-spöttisch mit Hafis, hell und gütig mit Goethe, und einen homerischen Licht- und Glorienschein über alle Dinge breitend. Er kann aber auch jener tyrannische Wille eines Schwerleidenden, Kämpfenden, Torturirten sein, welcher das Persönlichste, Einzelnste, Engste, die eigentliche Idiosynkrasie seines Leidens noch zum verbindlichen Gesetz und Zwang stempeln möchte und der an allen Dingen gleichsam Rache nimmt, dadurch, dass er ihnen sein Bild, das Bild seiner Tortur, aufdrückt, einzwängt, einbrennt. Letzteres ist der romantische Pessimismus in seiner ausdrucksvollsten Form, sei es als Schopenhauer’sche Willens-Philosophie, sei es als Wagner’sche Musik.