dimanche 21 mars 2021

Valéry (rouge)

 Valéry, Mélange éd. Pléiade 1 p. 378 : 

"La rougeur de la pudeur dénonce l'aurore de l'interne impudicité. Qui rougit en sait un peu plus qu'il ne devrait en savoir. Le sang aux joues ruine brusquement le système des lèvres closes et des yeux baissés, accuse l'âme même et la confond. Son épanouissement vermeil manifeste la connaissance du Bien et du Mal.

La couleur d'une chose est, d'entre les couleurs, celle qu'elle repousse et ne peut assimiler. Le ciel pur abdique le bleu, rend l'azur aux rétines. Les feuilles, tout l'été, gardent le rouge. La poudre de charbon consomme tout. 

Les choses ne donnent à nos sens que ce qu'elles rejettent. Nous les connaissons par leurs rebuts. La fleur abandonne son odeur.

Peut-être ne connaissons-nous les autres que par ce qu'ils éliminent, et qui n'était pas de leur substance. Si tu es bon, c'est que tu gardes ton mauvais. Que si tu brilles et te dépenses en étincelles ou en éclairs, ta tristesse, tes misères, ta sottise te demeurent. Elles te sont plus conformes et consubstantielles que tes éclats. Tu ne te reconnais pas dans ton génie. Tes plus beaux actes te sont les plus étranges..."