mercredi 24 mars 2021

Baudelaire + Montherlant (extase érotique)

 BaudelaireFusées III, ancienne éd. Pléiade p. 1249 :

"Je crois que j'ai déjà écrit dans mes notes que l'amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l'un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l'autre. Celui-là, ou celle-là, c'est l'opérateur, ou le bourreau ; l'autre, c'est le sujet, la victime. Entendez-vous ces soupirs, préludes d'une tragédie de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles ? Qui ne les a proférés, qui ne les a irrésistiblement extorqués ? Et que trouvez-vous de pire dans la question appliquée par de soigneux tortionnaires ? Ces yeux de somnambule révulsés, ces membres dont les muscles jaillissent et se roidissent comme sous l'action d'une pile galvanique, l'ivresse, le délire, l'opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d'aussi affreux, d'aussi curieux exemples. Et le visage humain, qu'Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus qu'une expression d'une férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort. Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le mot : extase à cette sorte de décomposition.


MontherlantCarnets (Va jouer avec cette poussière) p. 83 : 

« Ces coquins d'auteurs, quand même, quelle licence, quelle effronterie dans leurs descriptions de la volupté, et comment ne pas comprendre les saints religieux qui voulaient que le contenu de toutes les bibliothèques, ou presque, fût jeté au feu ? Ecoutez celui-ci, par exemple ; comme on sent bien qu'il parle d'expérience et veut qu'on le sache : 

"Qui ne sait que dans ce transport on se mange, qu'on se dévore, qu'on voudrait s'incorporer en toutes manières, enlever, jusqu'avec les dents, l'objet de son sentiment, pour le posséder, pour s'en nourrir, pour s'y unir, pour en vivre ?

L'animal ! Son nom est Bossuet : Traité de la concupiscence. »