Gogol, Le Nez (dernières phrases) trad. A. Larrue (Allia) :
« Voici donc l'histoire survenue dans la capitale nordique de notre immense État ! Tout bien considéré, nous relevons chez elle un grand nombre d'invraisemblances. Sans parler du fait qu'il est bizarre qu'un nez se détache par magie, qu'il apparaisse en divers endroits, qu'il prenne l'apparence d'un conseiller d'État. Comment se fait-il que Kovaliov ne se soit pas rendu compte que l'on ne publiait pas l'annonce d'un nez dans les journaux ? Ce n'est pas pour dire que les annonces coûtent cher. Ce serait une fadaise, et je ne suis pas du tout du genre des avaricieux. Mais ce n'est pas poli, c'est inhabituel, ce n'est pas bien ! Et d'ailleurs, comment le nez a-t-il pu se retrouver dans le pain ? Et comment Ivan Yakovlevitch lui-même… non, je ne comprends pas, je ne comprends vraiment pas ! Mais ce qu'il y a de plus bizarre, ce qui demeure véritablement incompréhensible, ce sont les raisons pour lesquelles les auteurs choisissent de tels sujets. J'avoue que c'est tout à fait insondable, que c'est… non, non, je ne comprends vraiment pas. D'abord, absolument aucune utilité pour la patrie. Ensuite… eh bien ensuite, pas d'utilité non plus. Juste, je ne sais pas ce que c'est…
Et en même temps, dans tout ça, quoique, bien entendu, on puisse s'accorder sur un point ou sur un autre, voire peut-être sur un troisième… car qu'est-ce qui n'est pas bizarre ? Et en même temps, si l'on délibère à propos de tout cela, il faut être juste, il y a quelque chose. Quoi qu'on dise, de tels événements ont lieu sur terre, rarement, mais cela arrive. »