Flaubert, lettre à Ernest Chevalier, 15 mars 1842 :
"Qui me rendra les brises de la Méditerranée ? car sur ses bords le cœur s’ouvre, le myrte embaume, le flot murmure. Vive le soleil, vivent les orangers, les palmiers, les lotus, les nacelles avec des banderoles, – les pavillons frais pavés de marbre où les lambris exhalent l’amour ! Ô ! si j’avais une tente faite de joncs et de bambous au bord du Gange, comme j’écouterais toute la nuit le bruit du courant dans les roseaux, et le roucoulement des oiseaux qui perchent sur des arbres jaunes ! Mais nom de Dieu ! est-ce que jamais je ne marcherai avec mes pieds sur le sable de Syrie, quand l’horizon rouge éblouit, quand la terre s’enlève en spirales ardentes, et que les aigles planent dans le ciel en feu. Ne verrai-je jamais les nécropoles embaumées où les hyènes glapissent nichées sous les momies des rois, quand le soir arrive, à l’heure où les chameaux s’assoient près des citernes [...]. Dans ces pays-là les étoiles sont quatre fois larges comme les nôtres, le soleil y brûle, les femmes s’y tordent et bondissent dans les baisers, sous les étreintes. Elles ont au pied, aux mains, des bracelets et des anneaux d’or, et des robes en gaze blanche.
Seulement quelquefois quand le soleil se couche je songe que j’arrive tout à coup à Arles. Le crépuscule illumine le cirque et dore les tombeaux de marbre des Aliscamps, et je recommence mon voyage, je vais plus loin, plus loin, comme une feuille poussée par la brise [...].
C’est une belle chose qu’un souvenir, c’est presque un désir, qu’on regrette."
échantillon d'écriture de Flaubert :