Balzac, Physiologie du Mariage (“De l’instruction en ménage”) :
"Les romans, et même tous les livres, peignent les sentiments et les choses avec des couleurs bien autrement brillantes que celles qui sont offertes par la nature ! Cette espèce de fascination provient moins du désir que chaque auteur a de se montrer parfait en affectant des idées délicates et recherchées, que d'un indéfinissable travail de notre intelligence.
Il est dans la destinée de l'homme d'épurer tout ce qu'il emporte dans le trésor de sa pensée.
Quelles figures, quels monuments ne sont pas embellis par le dessin ? L'âme du lecteur aide à cette conspiration contre le vrai, soit par le silence profond dont il jouit ou par le feu de la conception, soit par la pureté avec laquelle les images se réfléchissent dans son entendement.
Qui n'a pas, en lisant les Confessions de Jean-Jacques, vu Mme de Warens plus jolie qu'elle n'était ? On dirait que notre âme caresse des formes qu'elle aurait jadis entrevues sous de plus beaux cieux ; elle n'accepte les créations d'une autre âme que comme des ailes pour s'élancer dans l'espace ; le trait le plus délicat, elle le perfectionne encore en se le faisant propre ; et l'expression la plus poétique dans ses images y apporte des images encore plus pures.
Lire, c'est créer peut-être à deux."