dimanche 6 décembre 2020

Ortega y Gasset (foi)

 Ortega y Gasset, L'Histoire comme système, traduction A. Bardet, chapitre 2 : 

"Au XVIe siècle, les Européens avaient perdu la foi en Dieu, en la révélation, ou bien parce qu'ils l'avaient perdue dans l'absolu, ou bien parce qu'elle avait cessé d'être une foi vive en eux. Les théologiens font une distinction très perspicace, et qui ne manquerait pas de nous éclairer sur des choses du présent, entre la foi vive et la foi morte. Plus largement, je formulerais ainsi cette distinction : nous croyons en quelque chose avec foi vive quand cette croyance nous suffit pour vivre, et nous croyons en quelque chose avec foi morte, foi inerte, quand, sans l'avoir abandonnée, étant toujours en elle, elle n'agit pas efficacement sur notre vie. Nous la traînons, invalide, dans notre dos, elle fait encore partie de nous, mais gît déjà, inactive, dans le grenier de notre âme. Nous ne basons plus notre existence sur ce quelque chose que nous croyons, les incitations et les directions à suivre ne jaillissent plus spontanément de cette foi. La preuve en est que nous oublions à tout moment que nous croyons encore en elle, alors que la foi vive est une présence permanente et très active de l'entité en laquelle nous croyons – de là le phénomène parfaitement naturel que le mystique appelle 'la présence de Dieu'. De la même manière, l'amour vif se distingue de l'amour inerte et misérable dans la mesure où l'être aimé, sans syncope ni éclipse, nous y est rendu présent. Ce n'est pas que nous devions le rechercher avec attention, c'est au contraire une lourde tâche que de nous en détourner. Cela ne veut pas dire que nous soyons toujours, ni même fréquemment, occupés à penser à lui, mais que constamment, 'nous comptons sur lui'."


"En el siglo XVI, las gentes de Europa habían perdido la fe en Dios, en la revelación, bien porque la hubiesen en absoluto perdido, bien porque hubiese deiado en ellos de ser fe viva. Los teólogos hacen una distinción muy perspicaz y que pudiera aclararnos no pocas cosas del presente, una distinción entre Ia fe viva y la fe inerte. Generalizando el asunto, yo formularía así esta distinción : creemos en algo con fe viva cuando esa creencia nos basta para vivir, y creernos en algo con fe muerta, con fe inerte, cuando, sin haberla abandonado, estando en ella todavía, no actua eficazmente en nuestra vida. La arrastramos inválida a nuestra espalda, forma aún parte de nosotros, pero yaciendo inactiva en el desván de nuestra alma. No apoyamos nuestra existencia en aquel algo creído, no brotan ya espontáneamente de esta fe las incitaciones y orientaciones para vivir. La prueba de ello, que se nos olvida a toda hora que aún creemos en eso, mientras que Ia fe viva es presencia perrnanente y activísirna de la entidad en que creemos. (De aquí el fenórneno perfectamente natural que el rnístico llama 'la presencia de Dios'. También el amor vivo se distingue dei amor inerre y arrasrrado en que lo amado nos es, sin síncope ni eclipse, presente. No tenemos que ir a buscarlo, con la atención, sino, al revés, nos cuesta trabajo quitárnoslo de delante de los ojos íntimos. Lo cual no quiere decir que estemos siempre, ni siquíera con frecuencia, pensando en ello, sino que constantemente 'contamos con ello'."