jeudi 12 novembre 2020

Dubois (bruits)

 Dubois (Jean-Paul), Tous les Hommes n'habitent pas le monde de la même façon, chapitre 'Montreal QC' : 

« Lorsqu’il arpentait les couloirs de l’immeuble, il imitait à la perfection toutes sortes de bruits de la vie moderne et domestique. Il nettoyait la porte de l’ascenseur en vibrionnant comme un blender, lavait les vitres en imitant le bruit de l’aspirateur qu’il passait en montant les rapports d’une formule un, faisait grincer des portes parfaitement lubrifiées. Quand le soir tombait et qu’il fumait une cigarette, assis sur les marches de l’immeuble, il contrefaisait le bruit du moteur diesel d’un bateau de pêche quittant le port. Durant ces interprétations, Sergei Bubka était seul en ce monde, ne cherchant ni à plaire ni à distraire. Quand il s’éloignait de la rive, à la bonne marée, il était tout simplement à la barre de son fileyeur, bercé par le ronronnement du Perkins. À sa façon, il construisait son monde, sonorisait son songe comme ces enfants à la bouche motorisée poussant leurs Dinky Toys sur les autoroutes du salon. Je m’entendais très bien avec Sergei Bubka. Quand je rentrais, il était parfois dans le hall. 'Tu veux quoi ce soir ?' demandait-il. Je lui répondais : 'Les portes du métro qui s’ouvrent et qui se ferment.' L’instant d’après, le signal sonnait et j’entrais dans la rame. Voilà. »