Jakobson, Huit Questions de poétique § 'Notes marginales sur la prose du poète Pasternak', coll. Points p. 61 :
"Malgré leur raffinement et leur richesse, ce ne sont pas les métaphores utilisées par Pasternak qui déterminent le thème poétique et lui servent de fil conducteur. Ce sont les réseaux de métonymies, non de métaphores, qui confèrent à son œuvre une « expression bien particulière ». Son lyrisme - prose ou poésie - est pénétré d’un principe métonymique, gouverné par la précellence de l’association par contiguïté. A l’inverse de ce que nous avions remarqué pour la poésie de Maïakovski, la première personne est rejetée à l’arrière- plan. Mais il n ’y a là qu’apparence de mépris : l’éternel héros lyrique est tout aussi présent. Son apparition s’est faite métonymique, comme dans L’Opinion publique de Chaplin où nous ne voyons pas le train arriver, nous le percevons seulement grâce aux reflets qu’il projette sur les personnages du film ; ce train invisible, translucide, passe en quelque sorte entre l’écran et les spectateurs. De même, dans le lyrisme de Pasternak, les images environnantes fonctionnent comme des reflets juxtaposés, expressions métonymiques du moi du poète. Il lui arrive parfois de dévoiler sa poétique, mais alors, dans un geste égocentrique, il l’assimile à l’ensemble de l’art. Il ne croit pas que l’art soit susceptible d’authenticité épique ni d’ouverture sur le monde extérieur, trop convaincu que les véritables œuvres d’art, quoi qu’elles disent, ne font en fait que raconter leur naissance."