Queneau, Les derniers Jours, chapitre « XIX » :
« Je me remettrai à servir sans arrêt des boissons sans nombre, des chaudes en hiver et des froides en été, et de l’alcool en toute saison. Et je verrai revenir chaque jour les habitués et changer chaque jour les clients de passage comme reviennent chaque année les saisons et comme change chaque année l’âge des gens. Et je serai immuable et parfaitement équilibré car j’aurai reconquis ma fortune perdue, accomplissant mon destin. Je regarderai s’agiter les jeunes et les vieux, les mâles et les femelles, les hommes et les chiens, les chats et les souris, les feuilles sur les branches, les nuages sur les toits, les vieux journaux sur les trottoirs, les idées dans les crânes, les passions dans les cœurs, les sexes dans les pantalons. Immobile et immuable, je regarderai tout cela comme l’eau d’un lac reflète le vol des oiseaux migrateurs sans laisser rider sa surface par le battement de leurs ailes. »