vendredi 13 mars 2020

Aymé (accueil)


Aymé, La Jument verte, chap. VII : 
« […] Quand la voiture tournait pour entrer dans la cour, tout le monde sortait de la maison, souriant et s’écriant : « Les voilà ! » Le vétérinaire (habituellement, il conduisait sa voiture) arrêtait son cheval et répondait de sa petite voix d’empêché : « Oui, nous voilà », et, le premier, sautait à bas de son siège pour aider sa femme à descendre.
— Oui, nous voilà, confirmait-il.
— Allons, disait Honoré, je vois que vous voilà.
Alors commençaient les effusions ; les baisers claquaient sur les joues des cousins, se multipliaient par les joues des tantes et des oncles, s’additionnaient, et faisaient quarante-huit.
 — Ces mignons !
— Vous avez eu le grand chaud ?
— Je ne l’avais pas embrassé.
— Tu ne m’as pas embrassé.
— Tu as embrassé ton oncle ?
— Noiraud ! mon beau chien !
— Comme ils grandissent !
— On a perdu cinq minutes au passage à niveau.
— Allez coucher, charogne ! C’est qu’il vous dévorerait bien les habits.
— Il y a tellement de voitures sur les routes à présent.
— Il va vous salir avec ses mains sales.
— Laissez donc…
— Un cheval est si vite emballé.
— Douze ans, vous verrez qu’il dépassera Antoine.
On jubilait dix minutes pleines, on allongeait un coup de pied à Noiraud, une claque à Gustave, et Alexis dételait le cheval avec des précautions respectueuses pour le harnais de luxe qui faisait tant d’honneur à la famille. Les belles-sœurs entraient dans la maison, et le vétérinaire, parce qu’il était vétérinaire, disait à Honoré :
— Maintenant, allons voir les bêtes. »