jeudi 21 novembre 2019

Queneau (repas)


Queneau, Le Chiendent chap. 5, Folio p. 266 : 
« Un certain temps s'écoule, tout empreint de silence. Parallèle au potage, la durée s'écoule ; parallèle et si proche, qu'il semble que les convives la boivent plutôt que le liquide nutritif et fumant que transportent les cuillers de ruolz. Les assiettes se vident et le potage devient passé. Les bruits variés accompagnant ce devenir demanderaient une description attentive, car de grands événements s'annoncent dans ce concert de glouglous et de gargouillements. Si l'un tire sur son bouillon du bout des lèvres, l'autre l'engloutit férocement. Pour le refroidir, les uns soufflent et d'autres en font des cascades. On lappe et l'on clapote. Ici, c'est un chuintement et là une dissonance.(1) De cette musique, naît peu à peu une harmonie élémentaire ; bientôt de bouche en oreilles, les paroles vont voler et, passant de l'animal au social et de la gloutonnerie au bavardage, chacune des personnes énumérées plus haut commence à s’apercevoir de nouveau de la présence de quatorze autres. Car, à gamelle vide, nez qui se lève.
Pour manger la choupe, les coudes se haussent, les bouches s'ouvrent ; au bout de ce temps, ce geste devient une habitude et, mise à part la satisfaction purement gastronomique, un plaisir en lui-même. »

(1) ce passage présente un rythme similaire à celui du texte de Queneau déjà publié, sur la fête foraine : "Ici l’on tourne en rond et là on choit de haut... "

... bizarre de rencontrer Astérix en 1933... : Queneau, Le Chiendent Folio p. 426 : « Dans la forêt, au milieu de cette même clairière où toute l'armée gauloise s'était fait couyonner de la façon narrée plus haut, on avait préparé un vigoureux festin, composé d'un sanglier rôti et de châtaignes bouillies, le tout arrosé d' hydromel."