lundi 18 novembre 2019

Fante (shopping)


[ce n’est pas parce que l’actualité est pleine de publicité pour un film ‘inspiré’ du roman que je vais m’empêcher d’en citer un beau passage]

Fante, Mon Chien Stupide chap. 5 [trad. Matthieussent] : 
"Ainsi ma journée a commencé, suite de tâches exaltantes dans la vie romantique, excitante et puissamment créatrice de l’écrivain. D’abord la liste des courses. Vroom ! je fonce sur la route de la côte dans ma Porsche, sept miles jusqu’au supermarché de Mayfair. Hiii ! je freine et me gare dans le parking, saute de ma voiture, enroule mon écharpe blanche deux fois autour de mon cou, et bam ! je franchis les portes automatiques. Paf ! La laitue, les pommes de terre, les cardes, les carottes, Zim ! Le rôti, les côtelettes, le bacon, le fromage. Bam ! Le gâteau, les céréales, le pain. Boum ! Le détergent, la cire, les serviettes en papier.
Retour à la voiture, vroom vroom sur la route, il file comme l’éclair le long des déferlantes aussi crémeuses que le détergent aux enzymes, l’auteur insouciant et sauvage qui emplit ses jours d’une exquise sensualité. Mais le vent qui fouettait mon visage m’a ramené à la seule et unique réalité, et j’ai failli sangloter au souvenir impitoyable de Rome, un capuccino posé sur la petite table de la Piazza Navona, une fille aux cheveux noirs de jais assise à côté de moi, qui mange du melon d’eau et crache les pépins en riant vers les pigeons."

And so my day began, a thrill a minute in the romantic, exciting, creatively fulfilling life of a writer. First, the grocery list. Varoom! and I roar down the coast highway in my Porsche, seven miles to the Mayfair Market. Scree! I brake to a stop in the parking lot, leap from the car, give my white scarf a couple of twirls and zap! I enter the automatic doors. Pow ! The lettuce, potatoes, chard, carrots. Swoosh ! The roast, chops, bacon, cheese ! Wham ! The cake, the cereal, the bread. Zonk ! The detergent, the floor wax, the paper towels.
Back to the car again varoom varoom up the highway, roaring past a surf creamy as enzyme detergent, the wild carefree author, filling his days with exquisite sensuality. But the wind in my face brought back the only reality and I choked over an ever-returning memory of Rome, a cup of cappucino at a little table on the Piazza Navonne, a raven-haired girl at my side, eating watermelon and laughing as she spat the seeds to the pigeons. »