Kierkegaard, Journal 1839 [trad. ?] :
« La loi de l'éloignement de Dieu (et cette histoire est celle de la chrétienté) est la suivante : tout ce qui confirme l'apparence éloigne de Dieu. Quand il n'y avait pas d'églises et que les rares chrétiens se rassemblaient comme des fugitifs et des persécutés dans les catacombes, Dieu était plus proche de la réalité. Puis on construisit des églises, nombreuses, immenses, magnifiques : Dieu s'éloigna dans la même mesure. Car la proximité de Dieu est à l'inverse du phénomène, et cet accroissement (des églises nombreuses, des églises magnifiques) va dans le sens de l'apparence, à l'égard de laquelle Dieu se comporte de façon inverse.
Quand il n'y avait pas de prêtres et que les chrétiens étaient tous frères, Dieu était plus proche de la réalité que lorsqu'il y eut des prêtres, beaucoup de prêtres, un clergé imposant. Car les prêtres témoignent d'un accroissement dans le sens de l'apparence, et Dieu se comporte à l'inverse du phénomène.
Peu à peu, la chrétienté est ainsi parvenue à être presque le plus grand éloignement possible de Dieu, et cela, sous prétexte que le christianisme est perfectible et que l'on va de l'avant. Et telle est l'histoire de la chrétienté : elle consiste à s'éloigner de Dieu en fortifiant l'apparence, ou encore, elle consiste (de même qu'en certaines circonstances on parle d'écarter quelqu'un avec élégance), à écarter Dieu toujours plus en construisant des églises et de magnifiques édifices, en établissant un monstrueux monument doctrinal et un immense clergé. (...) Non, non , non ! Si tu veux vraiment et sérieusement rapprocher Dieu, donne le coup de grâce, envoie au diable toute cette compagnie de menteurs que sont les prêtres et les professeurs (…). »