Helvétius, De l'Esprit (1758) Discours III, ch. VI :
"C'est en tout genre que les passions doivent être regardées comme le germe productif de l'esprit : ce sont elles, qui, entretenant une perpétuelle fermentation dans nos idées, fécondent en nous ces mêmes idées, qui, stériles dans des âmes froides, seraient semblables à la semence jetée sur la pierre. Ce sont les passions qui, fixant fortement notre attention sur l'objet de nos désirs, nous le font considérer sous des aspects inconnus aux autres hommes, et qui font en conséquence concevoir et exécuter aux héros ces entreprises hardies qui, jusqu'à ce que la réussite en ait prouvé la sagesse, paraissent folles, et doivent réellement paraître telles à la multitude. [...] Ce sont en effet les fortes passions qui, plus éclairées que le bon sens, peuvent seules nous apprendre à distinguer l'extraordinaire de l'impossible, que les gens sensés confondent presque toujours ensemble, parce que, n'étant point animés de passions fortes, ces gens ne sont jamais que des hommes médiocres."