Romains (J.), Mort de quelqu'un Livre de Poche pp. 8 et 10-11 :
"Mécanicien d'express, il avait eu l'habitude de bondir en quatre minutes du centre aux remparts. La locomotive avilit l'espace ; l'amas des quartiers et des faubourgs fond devant elle ; on dirait que le train dissout les murailles, les volatilise. […]
Il avait médité sur le temps. Le temps lui semblait quelque chose d'arbitraire, d'élastique ; il concevait mal qu'on pût s'y fier, et il considérait les horloges comme des machines à illusions. Il ne croyait pas non plus que l'apparence des objets répondît à leur nature, et fût la seule possible. Il les avait vus tant de fois se tasser, se tordre, s'agglutiner, selon la vitesse de la locomotive ! Il se rappelait les aspects que prennent alors les palissades, les files d'arbres, et combien de mouvements, inconnus de l'homme au pas, se propagent autour train en marche. II finissait par juger cette façon d'apercevoir les choses aussi valable que celle des gens qui ne vont pas vite."