Valéry, Degas, Danse, dessin, Pochothèque t. 2 p. 571 :
"Il opposait ce qu'il appelait la « mise en place », c'est-à-dire la représentation conforme des objets, à ce qu'il appelait le « dessin », c'est-à-dire l'altération particulière que la manière de voir et d'exécuter d'un artiste fait subir à cette représentation exacte, celle que donnerait, par exemple, l'usage de la chambre claire.
Cette sorte d'erreur personnelle fait que le travail de figurer les choses par le trait et les ombres peut être un art.
La chambre claire, que je prends pour définir la mise en place, permettrait de commencer le travail par un point quelconque, de ne pas même regarder l'ensemble, de ne pas chercher des relations entre les lignes ou les surfaces ; de ne pas agir sur la chose vue pour la transformer en chose vécue, en action de quelqu'un.
Or, il est des dessinateurs, dont il ne faut pas nier le mérite, qui ont la précision, l'égalité et la vérité de la chambre claire. Ils en ont aussi la froideur, et plus ils seront proches de la perfection de leur métier, moins pourra-t-on discerner l'ouvrage de l'un de celui de l'autre. Il en est tout au contraire des artistes. La valeur des artistes tient à certaines inégalités de même sens ou de même tendance, qui révèlent à la fois, à l'occasion d'une figure, d'une scène ou d'un paysage, la facilité, les volontés, les exigences, la puissance de transposition et de reconstitution de quelqu'un. Rien de tout ceci ne se trouve dans les choses ; et ne se trouve jamais le même dans deux individus différents."