Kundera, La Valse aux adieux, 2° journée :
"Elle voulait faire durer mon supplice le plus longtemps possible.
— Typique comportement de blonde, dit le docteur Skreta sans surprise.
— Pensez-vous qu’il y ait une différence entre les blondes et les brunes ? dit Bertlef, visiblement sceptique sur l’expérience féminine du docteur Skreta.
— Je vous crois ! dit le docteur Skreta. Les cheveux blonds et les cheveux noirs, ce sont les deux pôles de la nature humaine. Les cheveux noirs signifient la virilité, le courage, la franchise, l’action, tandis que les cheveux blonds symbolisent la féminité, la tendresse, la faiblesse et la passivité. Donc une blonde est en réalité doublement femme. Une princesse ne peut être que blonde. C’est aussi pour cette raison que les femmes, pour être aussi féminines que possible, se teignent en jaune et jamais en noir.
— Je serais très curieux de savoir comment les pigments exercent leur influence sur l’âme humaine, dit Bertlef d’un ton dubitatif.
— Il ne s’agit pas des pigments. Une blonde s’adapte inconsciemment à ses cheveux. Surtout si cette blonde est une brune qui se fait teindre en jaune. Elle veut être fidèle à sa couleur et se comporte comme un être fragile, une poupée frivole, elle exige de la tendresse et des services, de la galanterie et une pension alimentaire, elle est incapable de rien faire par elle-même, toute délicatesse au-dehors et au-dedans toute grossièreté. Si les cheveux noirs devenaient une mode universelle, on vivrait nettement mieux en ce monde. Ce serait la réforme sociale la plus utile que l’on ait jamais accomplie."