Huysmans, Là-bas chap. XVI :
"... Les rares artistes qui restent n’ont plus à s’occuper du public ; ils vivent et travaillent loin des salons, loin de la cohue des couturiers de lettres ; le seul dépit qu’ils puissent honnêtement ressentir, c’est, quand leur œuvre est imprimée, de la voir exposée aux salissantes curiosités des foules !
– Le fait est, dit des Hermies, que c’est une véritable prostitution ; la mise en vente, c’est l’acceptation des déshonorantes familiarités du premier venu ; c’est la pollution, le viol consenti, du peu qu’on vaut !
– Oui, c’est notre impénitent orgueil et aussi le besoin de misérables sous qui font qu’on ne peut garder ses manuscrits à l’abri des mufles ; l’art devrait être ainsi que la femme qu’on aime, hors de portée, dans l’espace, loin ; car enfin c’est avec la prière la seule éjaculation de l’âme qui soit propre ! Aussi, lorsqu’un de mes livres paraît, je le délaisse avec horreur. Je m’écarte autant que possible des endroits où il bat sa retape. Je ne me soucie un peu de lui, qu’après des années, alors qu’il a disparu de toutes les vitrines, qu’il est à peu près mort.'