dimanche 20 novembre 2022

Rilke (flamants)

Rilke, Neue Gedichte II : Die Flamingos, trad. Pléiade p. 475 : 


Les flamants roses

          Paris, Jardin des Plantes


Des reflets au miroir comme de Fragonard

ne te livreraient pas de leur blanc, de leur rose,

plus que ne t'apprendrait, parlant de son amie,

un homme qui te dit : "Elle était douce encor


de sommeil." Car, dressés dans le vert,

légèrement tournés sur leurs tiges de rose,

ensemble fleurissant comme dans un parterre,

plus charmeurs que Phryné eux-mêmes se séduisent.


Puis au bout de leur cou ils penchent leur œil pâle,

et l'abritent au creux de leur propre douceur 

dans laquelle le noir et le rouge se cachent.


Une querelle éclate en cris dans la volière.

Mais, étonnés, soudain ils se sont étirés,

et s'en vont un à un au monde imaginaire.



          Paris, Jardin des Plantes


In Spiegelbildern wie von Fragonard

ist doch von ihrem Weiß und ihrer Röte

nicht mehr gegeben, als dir einer böte,

wenn er von seiner Freundin sagt: sie war


noch sanft von Schlaf. Denn steigen sie ins Grüne

und stehn, auf rosa Stielen leicht gedreht,

beisammen, blühend, wie in einem Beet,

verführen sie verführender als Phryne


sich selber; bis sie ihres Auges Bleiche

hinhalsend bergen in der eignen Weiche,

in welcher Schwarz und Fruchtrot sich versteckt.


Auf einmal kreischt ein Neid durch die Volière;

sie aber haben sich erstaunt gestreckt

und schreiten einzeln ins Imaginäre.