Amiel, Journal intime, 3 juillet 1874 :
"La fantasmagorie de l'âme me berce comme un yôghi de l'Inde, et tout devient pour moi fumée, illusion, vapeur, même ma propre vie. Je tiens si peu à tous les phénomènes, qu'ils finissent par passer sur moi comme des lueurs et s'en vont sans laisser d'empreinte. La pensée remplace l'opium. Elle peut enivrer tout éveillé et diaphanéiser les montagnes et tout ce qui existe...
Je suis fluide comme un fantôme que l'on voit, mais qu'on ne peut saisir. Je ressemble à un homme, comme les mânes d'Achille, comme l'ombre de Créuse ressemblaient à des vivants ; sans avoir été mort, je suis un revenant. Les autres me paraissent des songes, et je suis un songe aux autres."