Cellini, Mémoires, Livre 1° chap. VI :
"En Italie nous imitons différentes sortes de feuillages. Les Lombards en font de très-beaux, en représentant des feuilles de lierre et de couleuvrée, avec leurs élégants enroulements, qui sont d’un effet si heureux. Les Toscans et les Romains ont été encore mieux inspirés dans leur choix, en reproduisant la feuille d’acanthe, ou branche-ursine, avec ses festons et ses fleurs contournés de mille façons et gracieusement entremêlés d’oiseaux et d’animaux. C’est là où l’on voit qui a bon goût. Ils ont aussi recours aux plantes sauvages, telles que celles que l’on appelle mufle-de-lion. Nos vaillants artistes accompagnent ces fleurs d’une foule de ces beaux et capricieux ornements que les ignorants appellent grotesques. Ils ont été ainsi nommés par les modernes, parce que des curieux découvrirent à Rome les premiers modèles de décorations de ce genre, dans des cavernes qui autrefois étaient des chambres, des étuves, des cabinets d’étude ou des salles de même nature, et qui alors se trouvaient enfouies, grâce à l’exhaussement du sol qui s’était opéré pendant des siècles. Comme ces constructions souterraines sont appelées à Rome grotte, les décorations qu’elles renferment prirent le nom de grotesques, qui n’est pas leur vrai nom. En effet, de même que les anciens se plaisaient à composer des animaux imaginaires, tenant à la fois de la chèvre, de la vache et de la cavale, auxquels ils donnaient le nom de monstres ; de même, ils formaient avec leurs feuillages des espèces de monstres : c’est donc le nom de monstres, et non celui de grotesques, qu’il faut appliquer à ces bizarres créations."