mercredi 1 juin 2022

Skvoreky (manœuvres)

Skvorecky, L'escadron blindé, trad. Kérel, chap. 1 :  

"Le capitaine Matka, allongé sur la confortable couchette de son véhicule d’état-major, était depuis longtemps et paisiblement assoupi (d’après le plan d’exercice, inspection des tranchées) ; l’instructeur politique en chef du 7e escadron de chars, le lieutenant Hospodine, dormait lui aussi, dans la cabine de son Tatra (campagne d’agitation sur le thème en réalisant les normes prévues pour le creusement des tranchées nous luttons pour la paix) ; l’adjoint au commandant pour les questions politiques, le lieutenant Ruzicka, se tournait et se retournait sur la couchette de son véhicule d’état-major, tourmenté par de mauvais rêves après un repas trop lourd (contrôle du travail des agitateurs de peloton et d’équipage), et le lieutenant Pinkas, chef d’état-major, tentait de ramener au calme ses nerfs indociles en multipliant les doses de somnifère et de chasser de son esprit l’image de son épouse Yana qui dormait seule dans l’appartement vide ou ne dormait peut-être pas du tout et n’était peut-être pas seule… (vérification du degré de préparation des chefs de groupe et d’équipage, vérification de leurs plans de feux). Sous la bâche tendue d’un autre Tatra, les trois chefs de peloton dormaient aussi, tous également paisibles (contrôle de l’activité des équipages) ; seul le zélé lieutenant Hezky, auquel le capitaine Matka se fiait entièrement en raison de son ardeur à la tâche, s’acquittait honnêtement de la mission qui lui était assignée par le plan d’exercice, et, soucieux d’en faire davantage – ce qui ne faisait guère l’affaire des hommes placés sous ses ordres – aidait l’équipage de l’adjudant Vytahly, réduit à deux hommes (les autres étaient au bloc) à creuser une dérisoire imitation de tranchées. Mais c’était un effort dont seul, parmi ses supérieurs, le bon Dieu pouvait être témoin et dont l’existence n’était même pas reconnue par le commandement de l’armée."