Kundera, L’Art du ooman VI, pp. 182-3 :
"Rythme. J’ai horreur d’entendre le battement de mon cœur qui me rappelle sans cesse que le temps de ma vie est compté. C’est pourquoi j’ai toujours vu dans les barres de mesure qui jalonnent les partitions quelque chose de macabre. Mais les plus grands maîtres du rythme ont su faire taire cette régularité monotone et prévisible et transformer leur musique en un petit enclos de “temps hors du temps”. Les grands polyphonistes : la pensée contrapunctique, horizontale, affaiblit l’importance de la mesure. Beethoven : dans sa dernière période, on distingue à peine les mesures, tellement, surtout dans les mouvements lents, le rythme est compliqué. Mon admiration pour Olivier Messiaen : grâce à sa technique de petites valeurs rythmiques ajoutées ou retirées, il invente une structure temporelle imprévisible et incalculable. Idée reçue : le génie du rythme se manifeste par la régularité bruyamment soulignée. Erreur. L’assommant primitivisme rythmique du rock : le battement du cœur est amplifié pour que l’homme n’oublie pas une seconde sa marche vers la mort."