Vialatte, Billet de décembre, 1932 :
"Si vous vivez dans un pays où les décembres sont miteux, sans vrai soleil et sans vraie neige, sans âme, sans bouquet personnel, si cet enfant de votre contrée ne fait pas honneur à sa mère, n’en désespérez pas encore, n’en soyez pas trop humilié. Laissez-le mûrir lentement, laissez-le vieillir calmement dans le cellier de votre mémoire, comme un vin un peu vert sans doute, mais avec qui tout n’est pas dit. Et dans trente ans, débouchez-le sans le secouer, vous m’en donnerez des nouvelles. Son parfum vous étourdira. Vous ne le reconnaîtrez plus. Vous raconterez à vos petits-fils réunis en rond sous la lampe, un mois de décembre immaculé comme une feuille de papier Canson sur laquelle vous pourrez dessiner à l’encre de Chine et au pastel une messe de Noël fabuleuse, avec une neige immaculée, des loups, des sapins en pain de sucre, des féeries à n’en plus finir.
Car c’est ainsi que nous vivons, influençables que nous sommes : la République était belle sous l’Empire, l’hiver est splendide au printemps."