Nietzsche, Humain, trop humain II, § 176 [trad. Desrousseaux, Albert et Kremer-Marietti], Livre de Poche p. 380 :
"Les porte-parole des dieux. – Le poète exprime les opinions générales et supérieures que possède un peuple, il en est le porte-parole et la flûte, – mais, grâce au mètre et à toutes les autres techniques artistiques, il les exprime de façon que le peuple les prenne pour quelque chose de tout nouveau et de merveilleux, et se figure sérieusement que le poète est le porte-parole des dieux. Enveloppé dans les nuages de la création, le poète lui-même oublie d’où il tient toute sa sagesse intellectuelle – de ses père et mère, des maîtres et des livres de tous genres, de la rue, et surtout des prêtres ; il est trompé par son propre art et il croit vraiment, aux époques naïves, que Dieu parle par sa bouche, qu’il crée dans un état d’illumination religieuse : – tandis qu’en réalité il ne dit que ce qu’il a appris, la sagesse populaire et la folie populaire confondues. Donc : en tant que le poète est véritablement vox populi, il passe pour être vox dei."
Das Mundstück der Götter. – Der Dichter spricht die allgemeinen höheren Meinungen aus, welche ein Volk hat, er ist deren Mundstück und Flöte – aber er spricht sie, vermöge des Metrums und aller anderen künstlerischen Mittel so aus, daß das Volk sie wie etwas ganz Neues und Wunderhaftes nimmt und es vom Dichter allen Ernstes glaubt, er sei das Mundstück der Götter. Ja, in der Umwölkung des Schaffens vergißt der Dichter selber, wo er alle seine geistige Weisheit her hat – von Vater und Mutter, von Lehrern und Büchern aller Art, von der Straße und namentlich von den Priestern; ihn täuscht seine eigene Kunst und er glaubt wirklich, in naiver Zeit, daß ein Gott durch ihn rede, daß er im Zustande einer religiösen Erleuchtung schaffe, – während er eben nur sagt, was er gelernt hat, Volks-Weisheit und Volks-Torheit untereinander. Also: insofern der Dichter wirklich vox populi ist, gilt er als vox dei.
Goethe, Entretiens avec Eckermann [Wikisource] :
"Les Français voient dans Mirabeau leur Hercule, et ils ont parfaitement raison. Mais ils oublient qu’un colosse se compose de fragments, et que l’Hercule de l’antiquité lui-même était un être collectif, qui réunissait sur son nom avec ses exploits les exploits d’autres héros. – Au fond, nous avons beau faire, nous sommes tous des êtres collectifs ; ce que nous pouvons appeler vraiment notre propriété, comme c’est peu de chose ! et, par cela seul, comme nous sommes peu de chose ! Tous, nous recevons d’autrui, tous nous apprenons, aussi bien de ceux qui existaient avant nous que de nos contemporains. Le plus grand génie lui-même n’irait pas loin s’il était obligé de tout prendre en lui-même. Mais beaucoup d’excellentes gens ne comprennent pas cela."