dimanche 27 février 2022

Vitruve (grotesques)

 

Vitruve, De l'architecture, VII, V (De la manière de peindre les murailles) §§ 3-4 :

"Cette belle nature, dans laquelle les anciens allaient prendre leurs modèles, nos goûts dépravés la repoussent aujourd'hui. On ne voit plus sur les murs que des monstres, au lieu de ces représentations vraies, naturelles ; en place de colonnes, on met des roseaux ; les frontons sont remplacés par des espèces de harpons et des coquilles striées, avec des feuilles frisées et de légères volutes. On fait des candélabres soutenant de petits édifices, du haut desquels s'élèvent, comme y ayant pris racine, quantité de jeunes tiges ornées de volutes, et portant sans raison de petites figures assises ; on voit encore des tiges terminées par des fleurs d'où sortent des demi-figures, les unes avec des visages d'hommes, les autres avec des têtes d'animaux. 

Or, ce sont là des choses qui ne sont pas, qui ne peuvent être, qui n'ont jamais été. Cependant ces nouvelles fantaisies ont tellement prévalu que, faute d'un homme qui soit en état de les apprécier, les arts dépérissent journellement. Quelle apparence, en effet, que des roseaux soutiennent un toit, qu'un candélabre porte des édifices, que les ornements de leur faîte, c'est-à-dire des tiges si faibles et si flexibles, portent des figures assises, ou que des racines et des tiges produisent des fleurs et des demi-figures ? À la vue de ces faussetés, il ne s'élève pas un mot de blâme ; on s'en amuse, au contraire, sans prendre garde si ce sont des choses qui soient possibles ou non. Les esprits obscurcis par la faiblesse de leur jugement, ne sont point en état d'apprécier le mérite, la beauté d'un ouvrage. Une peinture n'est pas digne d'approbation, si elle ne représente point la vérité. Il ne suffit pas qu'un sujet soit peint avec tout le prestige de l'art, pour qu'on doive immédiatement le juger avec avantage ; encore faut-il que le dessin n'offre dans aucune de ses parties rien qui blesse la raison."



3. Sed haec, quae ex veris rebus exempla sumebantur, nunc iniquis moribus inprobantur. Nam pinguntur tectoriis monstra potius quam ex rebus finitis imagines certae : pro columnis enim statuuntur calami, pro fastigiis harpagae et mituli striati cum crispis foliis et volutis, item candelabra aedicularum sustinentia figuras, supra fastigia earum surgentes ex radicibus cum volutis coliculi teneri plures habentes in se sine ratione sedentia sigilla, non minus etiam ex cauliculis flores dimidiata habentes ex se exeuntia sigilla, alia humanis, alia bestiarum capitibus similia.

4. Haec autem nec sunt nec fieri possunt nec fuerunt. Ergo ita novi mores coegerunt, uti inertiae mali iudices conniveant artium virtutes. Quemadmodum enim potest calamus vere sustinere tectum, aut candelabrum aediculas et ornamenta fastigii, seu coliculus, tam tenuis et mollis, sustinere sedens sigillum, aut de radicibus et cauliculis ex parte flores dimidiataque sigilla procreari? At haec falsa videntes homines non reprehendunt, sed delectantur, neque animadvertunt si quid eorum fieri potest nec ne. Iudiciis autem infirmis obscuratae mentes non valent probare quod potest esse cum auctoritate et ratione decoris. Neque enim picturae probari debent, quae non sunt similes veritati ; nec si factae sunt elegantes ab arte, ideo de his statim debet recta iudicari, nisi argumentationis certas habuerint rationes sine offensionibus explicatas.