Valéry, Cahier B, 1910, in Tel Quel [Pléiade t. 2 p. 573]
"Le pouvoir et l’argent ont le prestige de l’infini. Parce que ce n’est pas telle faculté (de faire) (et de défaire) que l’on désire précisément posséder. Nul ne convoite une puissance définie : ni l’exercice du gouvernement comme profession régulièrement tracée, ni l’or comme valeur d’objets bien déterminés.
Mais c’est le vague du pouvoir qui fait mon désir, parce que je ne sais jamais ce que je pourrais venir à désirer. Je ne recherche pas ce qui est énumérable. Je veux acheter ce qui n’est pas dans le commerce.
C’est pourquoi tout le monde regarde le possesseur de ce pouvoir, toujours, en heureux joueur. Une chance est présumée à l’origine de toute grande fortune. Nul travail défini ne semble mener à cette propriété infinie.
Enfin, c’est l’idée de l’abus du pouvoir qui fait songer si intimement au pouvoir."
Un texte par jour, ou presque, proposé par Michel PHILIPPON (littérature, philosophie, arts, etc.).