jeudi 6 janvier 2022

Olécha (matin)

     Olécha, L’Envie, début, trad. Nivat :
   "Le matin, il chante dans les waters. Vous pouvez voir combien sa santé est florissante, combien il est heureux de vivre. L'envie de chanter naît en lui d'une manière réflexe. Ses chansons, qui n'ont ni mélodie ni parole, rien qu'un « ta-ra-ra » qu'il pousse de trente six façons différentes, peuvent s'interpréter ainsi :
    « Comme je trouve la vie belle... ta-ra ! Ta-ra !... Mon ventre est bien souple... ra-ta-ta-ta-ra-ri... Mes humeurs circulent comme il convient... ra-ta-ta-dou-ta-ta... Vas-y intestin, contracte-toi... tram-ba-ba-boum ! »
   Quand il passe à côté de moi, le matin, sortant de sa chambre (je fais semblant de dormir) et qu'il prend la porte conduisant au cœur de l'appartement, à savoir aux toilettes, mon imagination s'y transporte avec lui. J'entends son remue-ménage dans la petite cabine trop étroite pour son corps lourd. Son dos frotte contre l'intérieur de la porte qu'il vient de refermer, ses coudes se cognent contre les parois, il se déplace à tout petits pas glissants. La porte des toilettes a une petite vitre mate de forme ovale. Il allume, l'ovale s'éclaire de l'intérieur et devient magnifique, couleur d'opale, on dirait un œuf. Je vois par la pensée cet œuf pendu dans l'obscurité du couloir.
    Il fait deux cents livres. Il y a quelques jours, en descendant un escalier, il a remarqué que ses seins tressautaient au rythme de ses pas. En conséquence de quoi il a décidé d'ajouter une nouvelle série d'exercices à sa gymnastique matinale.
   Il est un spécimen tout à fait remarquable de la race des hommes."

déjà cité en partie dans mon billet :
http://lecalmeblog.blogspot.com/2019/07/nabokov-olecha.html