Biély, Petersbourg, trad. Nivat-Catteau, chap. VII :
"Cet instant tragique lui-même n’avait été que la conséquence de sa concupiscence ; il vivait les sentiments les plus passionnés d’une façon pas tout à fait normale ; il s’enflammait d’étrange façon, jamais comme il fallait, toujours froidement.
Tout venait peut-être de cette froideur…
Le froid était entré en lui dès l’enfance, quand on l’appelait, lui, le « p’tit Nicolas », « la progéniture de son père ». Par la suite le sens du mot « progéniture » lui avait été dévoilé par l’observation des mœurs honteuses chez les animaux domestiques. Et le « p’tit Nicolas » avait pleuré. Il faisait retomber le déshonneur de son engendrement sur son père.
Et il avait compris que tout ce qui existait était « progéniture ». Il n’y avait point d’hommes, il n’y avait que des « engeances ». Apollon Apollonovitch lui-même était une « engeance » : une addition désagréable de sang, de peau et de chair : la peau, ça sue, et la chair, ça se gâte à la chaleur.
L’âme, ça n’existait pas.
Il haïssait sa propre chair ; il la convoitait pourtant chez les autres."
Un texte par jour, ou presque, proposé par Michel PHILIPPON (littérature, philosophie, arts, etc.).