mercredi 19 janvier 2022

Biély (progéniture)

     Biély, Petersbourg, trad. Nivat-Catteau, chap. VII :
    "Cet instant tragique lui-même n’avait été que la conséquence de sa concupiscence ; il vivait les sentiments les plus passionnés d’une façon pas tout à fait normale ; il s’enflammait d’étrange façon, jamais  comme il fallait, toujours froidement.
    Tout venait peut-être de cette froideur…  
   Le froid était entré en lui dès l’enfance, quand on l’appelait, lui, le « p’tit Nicolas », « la progéniture de son père ». Par la suite le sens du mot « progéniture » lui avait été dévoilé par l’observation des mœurs honteuses chez les animaux domestiques. Et le « p’tit Nicolas » avait pleuré. Il faisait retomber le déshonneur de son engendrement sur son père.
   Et il avait compris que tout ce qui existait était « progéniture ». Il n’y avait point d’hommes, il n’y avait que des « engeances ». Apollon Apollonovitch lui-même était une « engeance » : une addition désagréable de sang, de peau et de chair : la peau, ça sue, et la chair, ça se gâte à la chaleur.
    L’âme, ça n’existait pas.
    Il haïssait sa propre chair ; il la convoitait pourtant chez les autres."