Calet, La Fièvre des polders 1, chap. 7 :
"La grand’mère, qui faisait à Burrth le lavage des cadavres et les délivrances, la première toilette et l’ultime, tenait ainsi le début et la fin des gens du village entre les mains, les bons et les mauvais. Et certains de ces derniers, qui avaient vécu en pécheurs, pour le mal, elle les retrouvait sans défense et muets, pareils à des nouveau-nés, pendant qu’elle leur débarbouillait la face à l’aide de son chiffon mouillé.
— Toi, mauvais fils, mauvais mari, mauvais père, mauvais chrétien, disait-elle tout bas.
L’autre était bien empêché de répliquer qui, dans le temps, avait eu la riposte facile cependant.
— Tu as bu, tu as battu ta femme et tes enfants, tu as blasphémé le nom du Seigneur…
Elle prenait contentement à le rudoyer un peu, celui qui avait malmené les autres ; elle le pinçait en cachette, elle lui enfonçait un ongle dans la joue bleuie, molle et brillante de la sueur de la mort ; le trou ne se remplissait pas. En quelque sorte, la grand’mère préludait à l’exécution de la justice divine."
Un texte par jour, ou presque, proposé par Michel PHILIPPON (littérature, philosophie, arts, etc.).