Valéry, Note et Digression (1919) Pléiade t. 1 p. 1224 :
"[La conscience] fait songer naïvement à une assistance invisible logée dans l'obscurité d'un théâtre. Présence qui ne peut pas se contempler, condamnée au spectacle adverse, et qui sent toutefois qu'elle compose toute cette nuit haletante, invinciblement orientée. Nuit complète, nuit très avide, nuit secrètement organisée, toute construite d'organismes qui se limitent et se compriment ; nuit compacte aux ténèbres bourrées d'organes, qui battent, qui soufflent, qui s'échauffent, et qui défendent, chacun selon sa nature, leur emplacement et leur fonction. En regard de l'intense et mystérieuse assemblée, brillent dans un cadre formé, et s'agitent, tout le Sensible, l'Intelligible, le Possible. Rien ne peut naître, périr, être à quelque degré, avoir un moment, un lieu, un sens, une figure, - si ce n'est sur cette scène définie, que les destins ont circonscrite, et que, l'ayant séparée de je ne sais quelle confusion primordiale, comme furent au premier jour les ténèbres séparées de la lumière, ils ont opposée et subordonnée à la condition d'être vue..."
Un texte par jour, ou presque, proposé par Michel PHILIPPON (littérature, philosophie, arts, etc.).