Gusdorf, De l’histoire des sciences à l’histoire de la pensée p. 287-288 :
"La pensée se convertit en 'philosophie expérimentale', la physique se constitue sur la base de l'observation rigoureuse et du raisonnement mathématique. Le primat de la science exacte se fait sentir jusque dans la perspective esthétique, et la religion doit elle même se laisser reporter à l'intérieur du territoire de la simple raison. Le régime d'intelligibilité qui s'annonce avec l'âge classique, au XVIIe siècle, sera le cadre le plus général de la culture moderne ; les péripéties pourront parfois corriger l'allure, introduire de nouvelles valeurs, mais sans parvenir à modifier vraiment le cadre général de la civilisation mécanicienne. Le fait essentiel sera sans doute l'importance croissante de l'élément technique. La technique intervient comme une activité où la science devient opérative par personne interposée. Mais par une sorte de captation d'influence, l'application devient plus importante que les principes ; elle finit par constituer une fin en soi. On peut assister ainsi, à partir du XVIIIe siècle, à la progressive mise en honneur du rapport au monde technique ; la raison, la science, la philosophie lui sont inféodées.
L'attitude opérative a permis la colonisation de la planète par une conquête méthodique. Au cours des siècles, le nouveau milieu suscité par la technique s'est peu à peu substitué au milieu naturel, dans le développement de la civilisation technicienne qui triomphe aujourd'hui."