Guillevic, Art poétique, précédé de Paroi et suivi de Le chant, Poésie/Gallimard p. 154.
Si je fais couler du sable
De ma main gauche à ma paume droite,
C'est bien sûr pour le plaisir
De toucher la pierre devenue poudre,
Mais c'est aussi et davantage
Pour donner du corps au temps,
Pour ainsi sentir le temps
Couler, s'écouler
Et aussi le faire
Revenir en arrière, se renier.
En faisant glisser du sable,
J'écris un poème contre le temps.
J’ai l’habitude
De me considérer
Comme vivant avec les racines,
Principalement celles des chênes.
Comme elles
Je creuse dans le noir
Et j’en ramène de quoi
Offrir du travail
A la lumière.