Duret (Théodore), Critique d'avant-garde, 1885, p. 254 :
"Les nocturnes de M. Whistler, comme le nom l’indique, sont des effets de nuit. Prenons le plus clair, celui en bleu et argent, plaçons-nous à dix pas et regardons-le attentivement. L’impression que l’artiste veut fixer sur la toile est celle du clair de lune par une belle nuit. Il a choisi, comme sujet, une rivière avec ses bords, parce qu’après tout il lui faut bien un motif pour porter la couleur ; mais le motif n’existe pas pour lui-même, il n’a en soi aucune importance, aussi les bords de la rivière se distinguent-ils à peine, enveloppés qu’ils sont dans l’effet de nuit qui est le tableau, et ce qui est appelé à communiquer aux yeux l’effet que le peintre veut rendre, ce ne sont ni des lignes ni des contours, mais la gamme générale de tons bleus argentés qui, avec des inflexions de clair et d’ombre, couvre toute la toile. En somme, dans ce nocturne, il n’y a que deux choses sans contours et sans formes arrêtées, mais fort saisissables cependant, et arrivant à produire une impression puissante, de l’air et une gamme de tons délicate et vibrante.
M. Whistler, en tirant les dernières conséquences de la combinaison harmonique de couleurs qui était apparue instinctivement dans ses premières œuvres, est donc parvenu, avec ses nocturnes, à l’extrême limite de la peinture formulée. Un pas de plus, il n’y aurait sur la toile qu’une tache uniforme, incapable de rien dire à l’œil et à l’esprit. Les nocturnes de M. Whistler font penser à ces morceaux de la musique wagnérienne où le son harmonique, séparé de tout dessin mélodique et de toute cadence accentuée, reste une sorte d’abstraction et ne donne qu’une impression musicale indéfinie."
un petit article sur le tableau :
http://www.visimuz.com/whistler-nocturne-tate/