Jaccottet, Cahier de verdure (« Blason vert et blanc ») Poésie/Gallimard :
« Je regardais, je m'attardais dans mon souvenir. Cette floraison différait de celle des cerisiers et des amandiers. Elle n'évoquait ni des ailes, ni des essaims, ni de la neige. L'ensemble, fleurs et feuilles, avait quelque chose de plus solide, de plus simple, de plus calme ; de plus épais aussi, de plus opaque. Cela ne vibrait ni ne frémissait comme oiseaux avant l'envol ; cela ne semblait pas non plus commencer, naître ou sourdre, comme ce qui serait gros d'une annonce, d'une promesse, d'un avenir. C'était là, simplement. Présent, tranquille, indéniable. Et, bien que cette floraison ne fût guère plus durable que les autres, elle ne donnait au regard, au coeur, nulle impression de fragilité, de fugacité. Sous ces branches-là, dans cette ombre, il n'y avait pas de place pour la mélancolie.
Vert et blanc. C'est le blason de ce verger. »