Gary-Ajar, Gros-Câlin Folio [1982] p. 188-189 :
« Je me dirigeai vers la porte. […] Je gardai la main sur le poignon. Le mognon. Enfin, la poignée, je veux dire. […] La porte était coincée. Ou c’était peut-être moi. Quelque chose était absolument coincé, en tout cas. Je n’arrivais pas à tourner la poignée. C’était un de ces trucs ronds, en cuivre, qui glissent. Il n’y a pas prise.
Je faisais des efforts de gauche à droite et de droite à gauche mais c’était complètement coincé à l’intérieur. Noué. J’avais fait encore plus de nœuds que d’habitude et je n’arrivais pas à ouvrir. […]
— Je vous demande pardon, monsieur le Directeur, mais ça s’est coincé. Je n’arrive pas à ouvrir cette porte.
— Permettez… Voilà. Il suffit de tourner.
— Je pense que les vieilles poignées de nos ancêtres avec manches tout droits et simples étaient beaucoup plus pratiques. Ça glisse dans la main, cette saloperie-là, on n’a pas prise.
Le directeur gardait la main sur mon épaule comme chez lui.
— Oui, je vois, c’est bien ça… On n’a pas prise… Ça échappe. Vous avez peut-être raison, Cousin.
— C’est mal conçu, mal foutu, si vous voulez mon avis, monsieur le Directeur.
— Exact.
— C’est même absolument dégueulasse et inadmissible, voilà, monsieur le Directeur. Je le dis comme je le pense et j’en pense quelque chose, je puis vous en assurer.
— Bien sûr, bien sûr, mais ce n’est pas une raison, Cousin, allons. Tenez, prenez mon mouchoir.
— Ça glisse dans la main, cette saloperie, un point c’est tout, il n’y a pas à chier.
— Il n’y a pas à…
— … À chier. À chier, monsieur le Directeur, et du fond du cœur. Bien sûr, si on serre très fort, si on s’accroche… Mais je pense que les portes doivent s’ouvrir plus facilement.
— Vous avez raison… Remettez-vous. Ce sont là des choses qui arrivent. Vous êtes très bien noté. Il y a des machins électroniques qui s’ouvrent automatiquement quand on met les pieds en avant.
— Les pieds en avant, évidemment, c’est facile. »