Luther, Annotations aux Sermons de Tauler [1516], W 9 102 10-103, traduction ?, cité par Th. Süss, Luther, P.U.F. 1969 :
"Même si nous savons que Dieu n'agit pas en nous sans nous avoir détruits auparavant nous-mêmes et tout ce qui est à nous, à savoir par la croix et les souffrances, néanmoins nous sommes tellement inintelligents que nous voulons accepter exclusivement les souffrances que nous-mêmes avons choisies ou celles dont nous avons vu l'exemple ou lu le récit dans la vie d'autrui. Ainsi nous prescrivons à Dieu la manière et la mesure de son action éducatrice. Nous ne nous offrons pas à Dieu tout dépouillés et dans l'attitude de la pure foi ; or Dieu ne veut agir en nous qu'à notre insu et de telle manière que son action nous soit incompréhensible, afin que la foi soit sauve et la volonté toute dépouillée. Ainsi l'artisan ne travaille pas une matière selon la forme qu'elle possède par elle-même, ni selon celle qu'elle pourrait rechercher elle-même hors d'elle en laissant subsister sa forme antérieure, car ce serait là une forme accidentelle ; mais il détruit à proprement parler la forme substantielle de la matière pour y introduire une autre tout à fait différente de la première. De même Dieu, qui déclare que ‘comme l'argile est dans la main du potier, ainsi vous êtes dans ma main’ (Jér. 18,6), agit directement contre notre propre projet (contra nostrum propositum), il taille en pièces notre espérance et notre intention et tout notre plan, en accomplissant une œuvre contraire, il rejette toutes les pensées des nations, afin d'introduire son propre plan qui s'accorde néanmoins avec notre projet d'une manière incomparablement plus abondante que s'il s'était conformé à notre plan."