Genevoix, Tendre bestiaire, chap. Le chevreuil, in Contes et récits, t. 6 p. 37 :
« Qui a vu un chevreuil, à la lisière d'un bois, sauter un haut grillage pour aller viander dans un champ ne saurait oublier ce bond splendide, le col tendu, les genoux avant rassemblés jusqu'à presque toucher la gorge, l'ascension apparemment lente, prodigieusement aisée qui soulève en oblique le corps fauve, le repli brusque des pattes arrière au passer du fil barbelé, tandis qu'à l'avant-train les pattes déjà se déploient et s'allongent pour recevoir - basculant, inversant vers la descente l'oblique du corps jusqu'alors ascendant - le poids de l'animal qui va reprendre terre.
C'est un enchantement pour les yeux. La grâce, la force et l'efficacité touchent ici à leur perfection. Quel athlète qui puisse y atteindre ? La volonté, le cœur, l'intelligence, les dons physiques les plus rares ne rejoindront jamais cette naturelle et facile beauté. De même la nage d'un ours polaire, d'une loutre, le demi vol d'un écureuil qui prend l'essor d'une branche à une autre, tirant parti pour un nouvel envol du balancement de la branche-relais, faisant sienne au juste moment l'élasticité de ses fibres. »