Baudelaire / Quincey, Les Paradis artificiels, II, III :
"La ville de L... représentait la terre avec ses chagrins et ses tombeaux, situés loin derrière, mais non totalement oubliés ni hors de portée de ma vue. L'océan, avec sa respiration éternelle, mais couvé par un grand calme, personnifiait mon esprit et l'influence qui le gouvernait alors. Il me semblait que, pour la première fois, je me tenais à distance et en dehors du tumulte de la vie ; que le vacarme, la fièvre et la lutte étaient suspendus ; qu'un répit était accordé aux secrètes oppressions de mon coeur ; un repos férié ; une délivrance de tout travail humain. L'espérance qui fleurit dans les chemins de la vie ne contredisait plus la paix qui habite dans les tombes, les évolutions de mon intelligence me semblaient aussi infatigables que les cieux, et cependant toutes les inquiétudes étaient aplanies par un calme alcyonien ; c'était une tranquillité qui semblait le résultat, non pas de l'inertie, mais de l'antagonisme majestueux de forces égales et puissantes : activités infinies, infini repos."