Ramuz, Les Circonstances de la vie, 1° partie, chap. 1 :
"La rue des Lignières se termine brusquement à côté de la maison, car le ravin s’ouvre là ; on n’a pour y descendre qu’un petit escalier ; les marches sont taillées dans la pente même et simplement pavées, avec un bord de pierre. De chaque côté, deux hauts murs portent des jardins et, par-dessus ces murs, pendent les citronnelles. Plus bas il se trouve une route. C’est une route de première classe qui va vers le nord où sont quatre ou cinq grands villages. Elle prend le coteau de flanc et le suit, descendant toujours, jusqu’à ce qu’elle arrive au pont, et alors passe la rivière, et sur l’autre bord s’en revient vers vous, et remonte sans se presser.
On va donc, on a d’abord au-dessus de soi le vieux château de la ville qui sort en l’air avec sa drôle de tour ronde, près de l’église qu’on voit. Et il n’est pas romantique, pointu, crénelé, au contraire ; il est à la ressemblance du pays, où le doux langage roman est parlé, c’est-à-dire tranquille de lignes ; il est blanc, ou plutôt gris, étant un petit peu sali ; et tout près les bois commencent, car ce premier versant est couvert de grandes forêts.
L’autre, plus abrupt, est tout creusé par les pluies ; des longues coulures jaunes se voient auprès d’autres, plus blanches, rangées tout le long verticalement ; et entre elles il y a des bandes d’herbe folle, des buissons de ronces ou d’épine blanche, ou encore des petites charmilles avec des dos ronds qui se suivent comme des troupeaux de moutons."