Pessoa, Premiers écrits, "Le chaos", in Un singulier regard :
"Je n’ai jamais pris aucune décision née de mon libre arbitre, ni donné de signe extérieur d’une volonté consciente. Aucun de mes écrits n’a jamais été terminé ; je voyais toujours s’interposer de nouvelles pensées, des associations d’idées extraordinaires, impossibles à exclure, avec l’infini pour seule limite. Je suis incapable de surmonter mon aversion à l’idée d’achever quoi que ce soit. Une chose, à elle seule, fait naître dix mille pensées, et de ces dix mille pensées naissent dix mille inter-associations, que je n’ai pas la moindre envie d’éliminer ou d’interrompre, ou de réunir en une pensée centrale unique, où les détails sans importance qui leur sont liés pourraient se perdre. Ces idées me traversent ; elles ne m’appartiennent pas, elles me traversent."