Thérèse d'Avila (citée par W. James, L'Expérience religieuse) :
"Dans l'oraison d'union, l'âme est très endormie à toutes les choses de la terre et à elle-même ; durant le peu de temps que l'union dure, elle est comme privée de tout sentiment, et quand elle le voudrait, elle ne pourrait penser à rien. Elle n’a point besoin de se faire violence pour suspendre son entendement, car il paraît si mort que l'âme ne sait même ni ce quelle aime, ni en quelle manière elle aime, ni ce qu'elle veut ; elle est morte à toutes les choses du monde, et vivante seulement en Dieu... Je ne sais si en cet état il lui reste assez de vie pour pouvoir respirer. Il me paraît que non, ou qu’au moins, si elle respire, elle ne le sait point. Son entendement voudrait s'employer à comprendre quelque chose de ce qui se passe en elle. Mais, s’en trouvant incapable, il demeure tout interdit, semblable à une personne qui tombe dans une si grande défaillance qu'elle est comme morte...
Vous voyez cette âme que Dieu élève à l’union : il l'a rendue tout à fait stupide, afin de mieux imprimer en elle la véritable sagesse. Ainsi elle ne voit, ni n'entend, ni ne comprend, pendant qu'elle demeure unie à Dieu ; mais ce temps est toujours très court, et lui semble plus court encore qu'il ne l’est en effet. Dieu s'établit lui-même dans l'intérieur de cette âme de telle manière que lorsqu'elle revient à elle, il lui est impossible de douter qu’elle n'ait été en Dieu, et Dieu en elle ; cette vérité lui demeure tellement empreinte, que même si elle passait plusieurs années sans être de nouveau élevée à cet état, elle ne pourrait oublier la faveur qu'elle a reçue, ni douter de sa réalité."