mercredi 7 février 2024

Dabit (récit)

Dabit, Petit-Louis, [1930] chap. 3 : 

"Soudain, maman apparaît au coin de la rue Calmels et je cours à sa rencontre.

— Petit-Louis, me dit-elle, il y a enfin du nouveau.

— Du nouveau ?

— Je t’ai trouvé une place !

— Une bonne place ?

— Je crois bien ! Tu toucheras cent sous par jour. C’est ma patronne qui a parlé de toi à un ingénieur du Nord-Sud. Ils embauchent.

Je gagnais un franc chez M. Bernard.

— Mais crois-tu qu’ils voudront ?

— Ils prennent ceux qui se présentent. Il n’y a plus d’hommes à Paris.

La concierge est toujours assise devant la porte. Au passage, maman lui demande :

— Pas de lettre ?

— Non, madame Decamp. Oh ! vous savez, le courrier personne n’en reçoit plus.

Nous montons lentement l’escalier.

Au sixième, en ouvrant la porte, maman soupire.

— Tout de même, ton père pourrait écrire. Qu’est-ce qu’il devient ?

— Faut avoir confiance. Tiens, si on m’avait dit que demain je gagnerais ma pièce de cent sous.

— Ce n’est pas la même chose. Henri a toujours été négligent.

— Il ne se bat pas, lui ! Il est de la territoriale.

Nous dînons.

Maman, ensuite, met un fichu sur ses épaules.

— Ma patronne veut te donner une lettre de recommandation. Viens.

Nous arrivons.

Maman frappe.

— Tu verras, c’est une personne très aimable, chuchote-t-elle.

Une femme paraît.

— Bonsoir, madame Harbulot, dit maman. Je vous présente mon fils."