Dabit, Petit-Louis, [1930] chap. 3 :
"Soudain, maman apparaît au coin de la rue Calmels et je cours à sa rencontre.
— Petit-Louis, me dit-elle, il y a enfin du nouveau.
— Du nouveau ?
— Je t’ai trouvé une place !
— Une bonne place ?
— Je crois bien ! Tu toucheras cent sous par jour. C’est ma patronne qui a parlé de toi à un ingénieur du Nord-Sud. Ils embauchent.
Je gagnais un franc chez M. Bernard.
— Mais crois-tu qu’ils voudront ?
— Ils prennent ceux qui se présentent. Il n’y a plus d’hommes à Paris.
La concierge est toujours assise devant la porte. Au passage, maman lui demande :
— Pas de lettre ?
— Non, madame Decamp. Oh ! vous savez, le courrier personne n’en reçoit plus.
Nous montons lentement l’escalier.
Au sixième, en ouvrant la porte, maman soupire.
— Tout de même, ton père pourrait écrire. Qu’est-ce qu’il devient ?
— Faut avoir confiance. Tiens, si on m’avait dit que demain je gagnerais ma pièce de cent sous.
— Ce n’est pas la même chose. Henri a toujours été négligent.
— Il ne se bat pas, lui ! Il est de la territoriale.
Nous dînons.
Maman, ensuite, met un fichu sur ses épaules.
— Ma patronne veut te donner une lettre de recommandation. Viens.
Nous arrivons.
Maman frappe.
— Tu verras, c’est une personne très aimable, chuchote-t-elle.
Une femme paraît.
— Bonsoir, madame Harbulot, dit maman. Je vous présente mon fils."