Nucera, L'Obstiné [1970] p. 244-245 :
"Il y avait tous les genres dans cette banque. Les nuisibles, les bons-samaritains, les dératés de la défaite, les fonctionnaires de la calamité, ceux chez qui l'âge ingrat ne passerait jamais, les hiératiques d'un rituel de lustrine et de col celluloïd, les chahuteurs, les étrillés, les gaffeurs, les peintres du dimanche, les oniriques, les bricoleurs professionnels, les éternels novices, les mortifiés, les abouchés à n'importe quelle combine, les mous, les bonimenteurs, les sortis de la cuisse de Jupiter, les irascibles, les repoussoirs... tout foisonnait ! L'intolérance, la tolérance, la monotonie, les ciels bleus déshonorés, les rancunes, les envies, les fausses réalités que l'individu se forge pour survivre, l'atonie, les démissions, les concours de grimaces, les sympathies replâtrées, les préjugés, les trahisons, les extinctions de volonté et les imprévisibles sursauts de dignité qui donnent chaud aux tripes, les calvaires, les parties de rigolade, les espérances domptées, les ravages de la poltronnerie, les feux de paille de la bonté... Ceux qui rêvaient d'être tribun, pacha, instituteur, artiste, pilote d'automobile, héros de l'Aéro-postale, violoniste, chansonnier, champion du calembour, les effarouchés, les hâbleurs et les insidieux, les rivaux et les partisans de la main dans la main jusqu'au bout de la longue peine et des joies éphémères, les rebelles et ceux qui épousaient n'importe quelle forme, se nichaient dans n'importe quel creux comme des boules de mercure, les fiers de leur tatouage et ceux qui estimaient ces dessins sur la peau diantrement vulgaires, les caïds et les victimes, les insignifiants et les personnages, bref : tout un monde, le monde !"