Heiss (cité très élogieusement par Spitzer, 2° recueil, § J. Romains p. 253-264) :
"Dans les romans de Romains se trouve la même vision que dans ses vers, qui découvre partout des rapports et des analogies inattendus, donnant de l'esprit à la nature, qui aperçoit dans tous les événements un jeu de forces vives et qui conçoit toute vie comme une création en cours de réalisation, comme un avénement, un devenir et un dépérissement permanents, un gonflement et un resserrement de créations surhumaines qui existent en tant qu’unités même si nous n’avons pas de dénomination pour elles. L'unité n’est plus l’homme isolé, la chose isolée, le lieu isolé. Mais des hommes, des choses, des lieux naissent continuellement par regroupement de nouveaux êtres avec une conscience commune, une volonté commune, dont le corps sans forme est guidé par le plaisir de se sentir un et par un rythme commun, des êtres dans lesquels vibre tendue ou détendue une vie en accord, la vie unanime, jusqu’à ce qu’ils meurent en se dissolvant dans leurs éléments constituants."
Romains, La vie unanime :
"Qu'est-ce qui transfigure ainsi le boulevard ?
L'allure des passants n'est presque pas physique ;
Ce ne sont plus des mouvements, ce sont des rythmes,
Et je n'ai plus besoin de mes yeux pour les voir.
L'air qu'on respire a comme un goût mental.
Les hommes
Ressemblent aux idées qui longent un esprit.
D'eux à moi, rien ne cesse d'être intérieur;
Rien ne m'est étranger de leur joue à ma joue.
Et l'espace nous lie en pensant avec nous
[...] Voilà que dans mon lit, malgré mes couvertures,
Je grelotte. L'enfant de là-haut souffre en moi ;
Son corps envoie au mien des messagers obscurs,
Et, comme un défilé obsédant de voitures,
Ses cauchemars à lui passent sous mon front moite."