vendredi 16 décembre 2022

Kant + Hegel (rossignol)

Kant, Critique de la faculté de juger Livre II § 42 (1790) :

 “Quoi de plus apprécié par les poètes que le joli chant, si charmant, du rossignol dans un bosquet solitaire, durant un calme soir d’été, sous la douce lumière de la lune ? Pourtant, on connaît des exemples où comme on ne pouvait trouver un tel chanteur, quelque hôte jovial est parvenu à tromper, à leur très grande satisfaction, ses invités venus chez lui jouir de l’air de la campagne, en dissimulant dans un buisson un jeune garçon malicieux sachant imiter (avec à la bouche un roseau ou un jonc) ce chant de manière parfaitement conforme à la nature. Mais, dès que l’on prend conscience qu’il s’agit d’une tromperie, personne ne supporte longtemps d’entendre ce chant tenu auparavant pour si attrayant; et il en va de même pour tout autre oiseau chanteur. Il faut que la nature ou ce que nous tenons pour elle, soit en cause, pour que nous puissions prendre au beau comme tel un intérêt immédiat.“


Hegel, Esthétique, Introduction, Chap. I, Section II, § 1 trad. S. Jankélévitch (1829) :

”On peut dire d'une façon générale qu'en voulant rivaliser avec la nature par l'imitation, l'art restera toujours au-dessous de la nature et pourra être comparé à un ver faisant des efforts pour égaler un éléphant. Il y a des hommes qui savent imiter les trilles du rossignol, et Kant a dit à ce propos que, dès que nous nous apercevons que c'est un homme qui chante ainsi, et non un rossignol, nous trouvons ce chant insipide. Nous y voyons un simple artifice, non une libre production de la nature ou une œuvre d'art. Le chant du rossignol nous réjouit naturellement, parce que nous entendons un animal, dans son inconscience naturelle, émettre des sons qui ressemblent à l'expression de sentiments humains. Ce qui nous réjouit donc ici, c'est l'imitation de l'humain par la nature.”