Tournier, Le Roi des Aulnes, 1970, p. 85 :
"L'une des inversions malignes les plus classiques et les plus meurtrières a donné naissance à l'idée de pureté. La pureté est l'inversion maligne de l'innocence. L'innocence est amour de l'être, acceptation souriante des nourritures célestes et terrestres, ignorance de l'alternative infernale pureté-impureté. De cette sainteté spontanée et comme native, Satan a fait une singerie qui lui ressemble et qui est tout l'inverse : la pureté. La pureté est horreur de la vie, haine de l'homme, passion morbide du néant. Un corps chimiquement pur a subi un traitement barbare pour parvenir à cet état absolument contre nature. L'homme chevauché par le démon de la pureté sème la ruine et la mort autour de lui. Purification religieuse, épuration politique, sauvegarde de la pureté de la race, nombreuses sont les variations sur ce thème atroce, mais toutes débouchent avec monotonie sur des crimes sans nombre dont l'instrument privilégié est le feu, symbole de pureté et symbole de l'enfer."